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A LA LOUPE – SÉMINAIRE « QUELS ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX POUR LES SPORTS DE NATURE ? 

Le Pôle Ressources National des Sports de Nature, le Centre européen des sports de nature ainsi que le CREPS ont organisé en mai dernier un séminaire accueillant différents acteurs du monde sportif, scientifique et de l’environnement pour échanger et réfléchir sur le futur des pratiques outdoor dans un contexte de transition écologique. Le document étudié par MBF dans cet article, fait un résumé de toutes les mesures proposées par les acteurs lors d’ateliers sur différents sujets.

Une thèse peu bavarde sur le sujet discuté

Pour appuyer leur avis sur l’impact négatif des sports outdoor sur l’environnement, les auteurs du document s’appuient sur les résultats d’une thèse publiée en janvier 2022 par Léna Gruas du laboratoire EDYTEM. L’étude porte sur l’analyse sociologique de la perception de l’impact environnemental des pratiquants de sport outdoor. Pour cela elle a organisé des questionnaires et entretiens à destination de 4 sports en particulier : la randonnée pédestre, le trail, le ski de randonnée et les raquettes de neige, et se limitant à 4 massifs (Les Bauges, Vanoise, Belledonne, Aiguille Rouge) pour son lieu d’étude.
Le document mentionne un double constat sur les activités outdoor apportée par cette thèse : tout d’abord, celui d’une fréquentation de plus en plus accrue des milieux naturels par les activités sportives, et le second de la prise de conscience mitigée de l’impact environnemental par les pratiquants. Cependant, la partie sur l’impact des sports outdoor prouvée par des études scientifiques correspond à une partie mineure d’un chapitre parmi les 8 chapitres de cette thèse (détails en fin d’article).
Le sujet principal de la thèse est bien l’analyse de la perception de cet impact par les pratiquants, et non la démonstration scientifique des impacts environnementaux des sports de nature. Il aurait donc été plus pertinent pour les auteurs de l’article de citer directement les études scientifiques dans leur document, plutôt qu’une thèse de 600 pages, afin que le lecteur puisse consulter les sources sans devoir faire un long travail de recherche. Parmi toutes ces études, les impacts des activités récréatives sur la faune sont effectivement démontrés. Cependant, la majorité sont des études spécifiques sur un site donné, sur l’effet d’un ou plusieurs sports en particulier et sur quelques espèces. Seul une de ces études présente une approche systémique permettant de ressortir des potentiels tendances générales.
Malheureusement le manque d’étude d’impact des sports de nature basée sur une approche systémique ne permet pas aujourd’hui de comparer l’impact de chaque sport sur le même plan. Si des impacts sont prouvés pour l’ensemble des sports et si une restriction ou interdiction d’accès venait à être nécessaire aux endroits les plus sensibles, ces dernières doivent s’appliquer à tous les sports de la même façon. Une restriction d’accès pour une seule discipline sans preuve scientifique à l’appui de l’impact significativement plus important, ne peut se faire comprendre.

Des raccourcis dommageables

Dans le même ordre d’idée, il aurait été intéressant de fournir dans ce document de plus amples données de contexte que seulement une thèse ne traitant pas directement du sujet, afin de comprendre les propositions de mesures fournies en conclusion. En effet, le document contient des raccourcis regrettables et des propositions semblant s’appuyer sur des lieux communs sans la moindre source à disposition. Quelques exemples pêle-mêle :

  • Affirmation non sourcée que les sports de nature seraient responsables en partie du dérèglement climatique (page 3). Il faut aller plus loin dans le document (p10) pour comprendre que l’un des arguments allant dans ce sens est la problématique, réelle, du transport. Il est cependant gênant de voir que les auteurs mélangent l’impact des transports (qui n’est pas l’apanage des sports outdoor) à celle de la pratique en tant que telle, augurant une confusion pointant injustement les pratiques de pleine nature
  • Usage généralisé du terme surfréquentation des espaces naturels (p5), alors que les retours terrains montrent plutôt des pics de fréquentation très localisés et temporalisés
  • Banalisation de l’idée que les sports de nature ont un impact négatif sur l’environnement par essence et qu’il faut les repenser (p11)
  • Volonté sans équivoque d’aller vers un durcissement des réglementations et des interdictions, posée sans discernement, comme une solution implacable et nécessaire (p13)
  • Etablissement de la capacité de résilience comme une donnée effective alors que les scientifiques travaillent encore dessus (p13)

Un document frappé du sceau de l’Etat français a forcément une valeur importante, a minima comme outil d’influence. Ses rédacteurs doivent donc s’assurer que son contenu soit factuel et sans coloration idéologique et que ce qui relève de l’opinion soit indiquée comme tel. La pratique VTT souffre déjà d’un nombre important d’idées reçues ou de positions négatives dogmatiques à son encontre pour en ajouter de nouvelles.
Plus globalement, ces imprécisions sont dommageables pour le travail effectué lors de ce séminaire. A l’aune du changement climatique que nous vivons, l’analyse portée aux sports de nature se doit d’être nuancée car elle mêle de manière complexe protection de l’environnement et justice sociale (accès à la nature pour tous, diversité, mixité, évolution sociétale…).

Le détail des articles

  • Taylor A.R., Knight R.L., 2003, « Wildlife responses to recreation and associated visitor perceptions », Ecological Applications, 13, 4, p. 951 – 963.
    -> Un éloignement est observé à partir d’une certaine distance du pratiquant.
    -> Cette étude montre qu’il n’y a pas d’impacts significativement différents sur la zone d’influence du cerf, du bison et et de l’antilope entre le VTT et la marche.
  • Larson C.L., Reed S.E., Merenlender A.M., Crooks K.R., 2016, « Effects of Recreation on Animals Revealed as Widespread through a Global Systematic Review » Doi H. (dir.), PLOS ONE, 11, 12, p. e0167259.
    -> Cette étude représente la seule étude systémique trouvée jusqu’à maintenant.
    -> Elle analyse, parmi les 274 études recensées, les groupes taxonomiques, les zones géographiques, les activités récréatives et les impacts négatifs sur la faune, les plus étudiés. Donc elle met en évidence les sujets les plus traités au niveau international, et non les pratiques qui ont un impact plus important de manière générale dans le monde sur la faune.
  • Gander H., Ingold P., 1997, « Reactions of male alpine chamois Rupicapra r. rupicapra to hikers,
    joggers and mountainbikers », Biological Conservation, 79, 1, p. 107 – 109.
    -> Etude des réponses comportementales du chamois à la randonnée, à la course, et au VTT dans la réserve d’Augstmatthorn en Suisse.
    -> Un éloignement observé à partir d’une certaine distance du pratiquant quelque soit le sport.
    -> Aucune différence de réaction n’a été prouvé entre les 3 activités sportives.
  • Covy N., Benedict L., Keeley W.H., 2019, « Rock climbing activity and physical habitat attributes impact avian community diversity in cliff environments », PLOS ONE, 14, 1, p. e0209557.
    -> Etude de l’impact de l’escalade sur les oiseaux, la végétation et les arthropodes
    -> Les résultats montrent que la pratique de l’escalade n’a pas d’impact sur l’occurrence des oiseaux mais a un impact sur leur diversité. Par ailleurs, l’escalade n’a pas d’impact avéré sur les arthropodes et la végétation, à l’exception du lichen dont l’impact négatif sur sa répartition est démontré.
  • Covy N., Keeley W.H., Benedict L., 2020, « Cliff-Dwelling Bird Species Show Variable Behavioral Responses to Rock Climbing », Natural Areas Journal, 40, 3, p. 245 – 251
    -> Suite de l’étude précédente: elle étudie la réponse comportementale de 4 espèces d’oiseaux à l’escalade: le corbeau freux, l’hirondelle verte et violette, le troglodyte des canyons et le martinet à gorge blanche.
    -> Elle met en avant que l’occurrence de ces 4 oiseaux n’est pas impactée par la pratique, mais que les comportements ( chant, temps de percher…) du troglodyte des canyons et du corbeau freux sont modifiés par l’escalade.
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